Article 5 : À quelques pas du ciel

Dans l’immensité minérale du Ladakh, alors que les vents sifflaient entre les crêtes silencieuses, Maurin et Maylan ont tenté une dernière ascension avant de quitter l’Inde. Une marche d’altitude, exigeante, prévue normalement sur deux à trois jours… qu’ils ont décidé de condenser en une seule journée. Une décision audacieuse, portée par le manque de temps, d’équipement, et par cette irrépressible envie de toucher, une fois encore, la haute montagne.

Depuis le lac Tso Moriri, après une nuit à Korzok, ils se sont mis en route à l’aube. Il était six heures du matin. Le point de départ se trouvait déjà à 4600 mètres, et le sommet visé culminait à 6080 mètres. Avec eux, un guide encore jeune, un peu inexpérimenté… mais heureusement épaulé par leur chauffeur, qui n’a pas hésité à les accompagner tout au long de l’ascension.

Très vite, les effets de l’altitude se sont fait sentir. À 5100 mètres, l’épaule douloureuse de Maurin, marquée par l’arthrose, s’est réveillée. Douleurs à la nuque, maux de tête, respiration plus courte… Les signaux du corps devenaient de plus en plus clairs. Mais le chemin appelait encore, et ils ont continué, pas à pas, s’accordant des pauses toutes les cinq minutes.

À 5500 mètres, ils atteignaient l’endroit où, dans une version plus douce de ce trek, ils auraient dû passer la nuit. Le paysage, à cette altitude, se transforme : silence dense, lumière crue, et l’impression de marcher entre deux mondes.

À 5920 mètres, il restait à peine 180 mètres de dénivelé. Mais l’écoute du corps, dans ces hauteurs, n’est pas une option : elle devient loi. Maurin a senti que pousser davantage pouvait mettre en péril la descente. Les douleurs s’intensifiaient, et le souffle manquait. Alors il a choisi la sagesse. Il s’est arrêté là, à quelques pas du ciel.

Pendant ce temps, Maylan, solide et calme, a poursuivi avec le guide jusqu’au sommet. Là-haut, il s’est tenu face à l’immensité. Maurin, redescendu légèrement, gardait un oeil sur lui. Quelques instants suspendus.

Ils se sont retrouvés, puis ont entamé ensemble la longue descente. Cinq à six heures de marche raide, pierreuse, lente. Un médicament a permis à Maurin d’apaiser un peu les douleurs, sans les faire disparaître. Mais malgré la difficulté, aucun regret. Car parfois, s’arrêter à temps, c’est aussi honorer le chemin parcouru.

Dans quelques jours, ils quitteront l’Inde. Mais ce morceau de ciel, cette montagne frôlée du bout des pieds, restera avec eux, comme une empreinte invisible au creux du coeur.

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Article 4 : Une bénédiction, une rencontre, une ascension